Vous êtes ici :

Effectiveness of Yoga Intervention in Reducing Felt Stigma in Adults With Epilepsy.
C'est parti !

Lien vers le résumé : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37940550/

On vous laisse écouter !

Nous allons parler avec deux invités, qui sont le Pr Agnès Trébuchon de la Timone du CHU à Marseille et le Dr Cécile Sabourdy (La Teppe, Tain l’Hermitage).

Discussion d’un article publié dans Neurology de 2023, qui vient du New Delhi.
Article: Yoga & Epilepsie « Effectiveness of Yoga Intervention in Reducing Felt Stigma in Adults With Epilepsy.”

INTRODUCTION

Quel problème est soulevé par cet article ?

Le problème est celui surtout des comorbidités et de leur rôle dans l'équilibre d'une épilepsie. On sait que le stress en général, l'anxiété, la dépression jouent des rôles tout à fait négatifs dans l'équilibre, la qualité de vie, les crises chez le sujet qui souffrent d'une épilepsie. Et parmi ces facteurs de stress, il y a ce qu'on appelle le stigma ressenti, la stigmatisation, « felt stigma », c'est à dire la façon qu'on a de se ressentir avec une maladie qu'on va juger honteuse, stigmatisante, et cetera et ce stigma ressenti est un facteur important de ces comorbidités psychologiques.

Alors, vis à vis de ça, il y a un ensemble de techniques que l'on va appeler des techniques corps esprit. Ce que les Américains appellent « mind-body approaches ».

Et ces techniques peuvent-elles aider éventuellement à réguler les émotions ?

Et qu'en est-il du yoga ? Surtout lorsqu'on est en Inde, à New Delhi, qui est l'endroit où ces techniques ont émergé il y a déjà bien longtemps.

ETUDE

Ça consistait à recruter un total de 160 patients qui vont être distribués en deux partie pour réaliser une étude randomisée, contrôlée.

Randomisée, c'est à dire que la distribution dans chacun des deux bras est aléatoire et contrôlée puisqu'il va y avoir d'un côté une intervention consistant en du yoga, et pas seulement, puis dans l’autre qu'on va appeler du sham yoga, c'est à dire du pseudo yoga. (Notamment parce que deux composantes qui sont jugées essentielles dans le yoga, qui sont l'attention mise sur la respiration lente et synchronisée et l'attention portée au mouvement et aux sensations corporelles ne sont pas présentes).

Donc 80 sujets aléatoirement distribués vont recevoir par exemple du yoga, plus de la psycho éducation et 80, un pseudo yoga et la psychoéducation. Puis, on va les suivre à trois mois, puis à six mois, en mesurant notamment en premier lieu ce stigma ressenti, c'est à dire un score qui est développé peut-être spécialement pour l'étude.

Donc, avant le début de l'intervention et puis, bien sûr, au terme de cette intervention qui va durer trois mois et trois mois plus tard, une nouvelle évaluation complète à six mois. Ce ne sera pas la seule chose qui sera mesurée. Il y a effectivement la fréquence des crises, des scores d'anxiété, de dépression, la qualité de vie, une échelle de cognition puis toute une série de mesures. Cependant, l'objectif principal de l'étude, c'est bien ce stigma ressenti et cette échelle qui s'appelle KSS dans l'article et qui va être mesurée avant et après intervention.

Au total, tous ne vont pas aller jusqu'au bout de l'étude puisqu’en bas vous avez 80 sujets qui font partie de l'intention de traiter, donc qui sont enrôlés dans l'étude. Et finalement, ceux qui arrivent au bout du protocole ne sont que 69 d'un côté et 66 de l'autre. Pour diverses raisons, mais il y a toujours comme ça des gens qui vont ne pas parvenir à la fin d'un protocole.

RESULTATS

Alors vous avez ici les résultats dans le groupe de contrôle, donc le groupe qui a eu ce pseudo yoga et puis dans le groupe intentionnel, celui qui a eu les véritables séances du yoga. Puis, c'est à dire en fait sept séances supervisées pendant une durée de trois mois, plus chez eux, en autonomie, cinq séances par semaine de 30 minutes environ.

Et donc ce score était de six en médiane avec un intervalle de cinq et neuf [6(5-9)] et donc comparable dans les deux groupes. Et il va évoluer après six mois à sept quatre neuf [7 (4-9)]. Donc quelque chose qui n'a pas beaucoup bougé dans le groupe contrôle et de quatre deux huit [4(2-8)], c'est à dire significativement diminué, dans le groupe interventionnel.

Alors une autre façon de présenter ce résultat, c'est une figure qui montre l'évolution sous la forme de score de changement avec le groupe de contrôle où vous avez les valeurs moyennes et l'évolution du groupe en entier. Côté fréquence des crises, il y a aussi une évolution dans la fréquence des crises puisque celles-ci vont diminuer. Donc changement vers le haut dans le groupe intentionnel par rapport au contrôle groupe. En gros, il y aura 40 % des sujets dans le groupe intentionnel qui auront une réduction de plus de 50 % de leur fréquence de crises.

Sachant que là, ça concerne des patients qui présentaient des crises au cours de l'année précédant le protocole, ce qui n'était pas le cas de tous les patients. Ce qui fait que l'analyse sur la fréquence de crises ne porte que sur une portion de la population étudiée.

DISCUSSION

Qu'est-ce que le yoga dans ses grands principes ?

Agnès Trébuchon

En fait, dire ce que c'est que le yoga, c'est comme dire qu'est-ce que c'est que la danse tellement il y a de formes de yoga possible, même s’il y a des ingrédients qu'on retrouve comme dans la danse.

On va dire qu'il y a une musique mouvement corporel. Dans le yoga, il y a quelques ingrédients : c'est ce qu'on appelle des asanas, des postures, qui sont couplées avec des techniques respiratoires qu'on appelle les pranayamas. Ce sont les deux éléments. Cela étant, il y a dans les ingrédients, il y a aussi un état un tout petit peu méditatif, où on est attentif à ce qu'on est en train de faire. Et puis, il y a aussi des conseils, une réflexion sur son état psychique, son rapport aux autres, son état d'être conscient « au moment de », le fait être en pleine conscience dans chaque élément. Tout ça pour essayer d'être dans un état de mieux être et ce sont des ingrédients.

Quand je dis que c'est variable, c'est que ce n'est pas quelque chose de fixe et qu'on va avoir, finalement, dans les vieux yogas la place des asanas et des postures était assez faible et en fait les asanas et le fait de faire beaucoup de postures, c'est quand même quelque chose qui est arrivé plus tôt dans siècle dernier. Donc, on peut aussi avoir le yoga nidra où il n'y a pas de postures du tout et ce sont simplement des visualisations des effets de ce que l'on peut voir. Par exemple, la sophrologie s'est beaucoup inspirée du yoga nidra. Voilà, pour dire que ce n'est pas quelque chose d'unique.

Dans cet article, il y avait quand même les ingrédients principaux que sont, les postures et le souffle et l'état d'attention interne, qui étaient dans le bras expérimental et dans le bras de control. Dans le yoga « pseudo yoga » il y avait simplement des mouvements, un peu de la gymnastique, mais sans le souffle associé ni cet état d'intéroception.

Laurent Vercueil

Pourquoi est-ce qu'on peut penser à ce genre de technique dans le contexte d'une maladie neurologique comme l'épilepsie ? Quel rapport ?

Cécile Sabourdy

Alors, on est beaucoup dans ces techniques de « mind-body » qui sont développées ces derniers temps et dont on a quand même un certain nombre d'éléments pour penser qu'elles sont partiellement intéressantes pour la gestion des comorbidités liées à l'épilepsie, comme le sont l'anxiété et certains aspects de dépression. Ce sont des choses qui ont été utilisées comme la méditation. Maintenant, la méditation a quand même bien prouvé qu'elle était efficace, en tout cas certains types de méditation, sur les rechutes de la dépression. Puis, on a des éléments pour penser que ce type de techniques peuvent être utiles pour amener à améliorer en tous les cas la qualité de vie et ce sont les données les plus probantes qu'on a sur certains éléments. Ensuite, ce qui est actuellement en discussion, et je pense, qui nous intéresse beaucoup d'un point de vue scientifique, c'est de savoir effectivement ce que ces techniques améliorent réellement.

C'est assez compliqué d'arriver à le mettre en évidence d'un point de vue scientifique et qu'est ce qui est exactement dans ces techniques, peut être utiles au patient qu'on prend en charge, sachant l'extrême diversité de toutes ces pratiques de yoga. Les patients avec de l’épilepsie que nous prenons en charge ont également aussi des épilepsies très différentes, des histoires de vie très différentes et un rapport aux comorbidités également très différents. Donc, c'est aussi ce qui rend assez difficile le fait de pouvoir produire des études de qualité avec ce type de techniques.

Je pense qu'on était tous d'accord pour saluer le fait que nos collègues aient pu proposer ce type de prise en charge à deux groupes de 80 personnes avec un suivi longitudinal conséquent sur six mois.

Donc, c'est effectivement déjà une très belle étude pour cette raison-là, avec aussi un effort de Cham, ce qui n'est pas si simple que ça dans ce type de prise en charge. Puis, comme le disait Agnès, il y a un effet d’attente par rapport à ce type de prise en charge et que visiblement la partie yoga, c'est bien ce que tu disais, a été fait encadré par un professeur de yoga certifié, alors que la partie Cham yoga l'a été par une infirmière de santé pour poser des questions en termes d'attentes.

Il y a beaucoup de choses qui sont très intéressantes dans cette étude et je pense, à discuter. Et puis il y a évidemment toujours quelques faiblesses méthodologiques, mais avec la limite de la réalisation de ce type d'étude qui est très compliquée en fait.

Agnès Trébuchon

Sur l'aspect physiologie de comment ça marche, j'ai été un peu déçu que ça n’apparaisse pas plus dans la discussion. C'est mon côté physiopathologiste et physiologiste parce qu'il y a quand même un article dans Frontiers qui a repris beaucoup, beaucoup d'articles. Il y a un ouvrage sur Science of Yoga qui a repris aussi un article fait par un journaliste américain. Il faut voir qu'aux États-Unis, le yoga est très à la mode, il y a plus de 20 millions de pratiquants.Donc c'est quand même assez utilisé.

C'est vrai que ce qui semble vraiment ressortir, c'est deux choses. La première, c'est qu'il y a une forme de régulation du système nerveux autonome pour en fait une meilleure efficacité, c'est à dire face à un stress, les sujets vont avoir une meilleure plasticité, de meilleurs mécanismes dit allo static pour revenir à l'état d'équilibre.

Ça, c'est vraiment ce qu'on retrouve dans plusieurs articles et qui au travers, pas dans les sujets sains et dans d'autres pathologies. L'autre, c'est le fait d'arriver et on le voit un peu avec l'histoire du stigma, c'est prendre un peu de distance, prendre un peu de recul. Cela, on peut l'avoir dans d'autres techniques, je pense qu'on a la même chose dans la méditation ou dans d'autres pratiques.

C'est d'avoir un peu une forme de position méta, une position par rapport à sa pathologie. On peut supposer que l'efficacité, là, elle vient de ces deux phénomènes et on a vu quand même qu'il y avait une réduction du stress avec une modification de la gamme(13 :57).Ce sont des petits effets, mais c'est vrai que c'est là, et c'est pour une vision un peu globale.

Laurent Vercueil

J'aurais aimé savoir ce que vous pensiez du fait que par rapport à des essais médicamenteux, par exemple, toutes ces techniques corporelles vont souvent essayer de produire des adeptes, voire des militants.

Est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qui peut jouer ?

Agnès Trébuchon

C'est sûr qu'après, il y a aussi la notion de la différence entre un savoir et une connaissance. Par exemple, pour ma part, j'ai un savoir sur les médicaments, mais je n'ai pas de connaissances, car je ne prends pas de médicaments antiépileptiques, c'est à dire que je n'ai pas fait l'expérience de prendre tous les médicaments antiépileptiques et savoir ce que c'est.

Alors que pour les pratiques corporelles, comme le yoga, ce sont des choses qu'on peut expérimenter et donc on peut voir à quel point ça peut effectivement modifier des choses. Ça, c'est sans être prosélyte. C'est à dire que tu es convaincu parce que tu l'as expérimenté, ce n’est pas quelque chose que tu as lu.

Cela étant, il faut toujours garder un esprit critique et c’est la casquette de scientifique, c'est important de garder un esprit critique. C'est à dire que, cet article a des faiblesses sur les effets sur les crises, ce n’est quand même pas majeur, et puis sur la façon dont ça a pu être présenté avec la diversité des patients qu'ils ont inclus.

Au-delà de cet article, je dirai aussi qu’aujourd’hui, quand je suggère aux patients quels sont vos espaces de ressources ? Qu'est-ce qui vous fait du bien ? Je ne les envoie pas forcément vers le yoga. Je vais essayer de voir ce qui peut leur convenir.

Ensuite, ce qu'il faut savoir, c'est qu’un médicament est labellisé. On sait si on donne telle molécule qu'il y aura exactement la même chose mais, quand on va proposer ce genre de pratique c'est tellement différent. Il y a des formations qui sont tellement différentes et c'est tellement de personnes dépendantes, et donc c'est beaucoup plus difficile par rapport à ça. Donc c'est pour ça que je pense qu'il faut que les patients expérimentent.

Cécile Sabourdy

Je ne te rejoins pas totalement Laurent. Je pense que les gens qu'on entend le plus, ce sont effectivement des gens qui ont expérimenté quelque chose qui leur a parlé et du coup finalement qui veulent le partager. Ce sont quand même des pratiques qui ne restent pas forcément simples d'accès, je veux dire, ce n’est pas qu'elles sont difficiles en soi, mais les modifications dont parle Agnès ont quand même mis du temps à apparaître, ce qui est un vrai apprentissage.

Que ce soit pour le yoga, les techniques de Kanyama ou même la méditation. On le voit bien dans le dans le protocole actuel, qu’il y a vraiment un temps pendant lequel il y a une vraie difficulté d'apprentissage et d'expérimentation dans son corps, des modifications de sensations. Il y a probablement une partie des personnes auxquelles ça parle et qui sont prêtes finalement à aller plus loin, à s'investir et d'autres qui arrêtent assez vite l'expérience.

Et c'est là probablement où se fait ou se fait la différence dans l'aspect corporel, un aspect très important. Et ce qui serait intéressant, c'est de savoir quel est le pourcentage de techniques de respiration qui ont un aspect vraiment de stimulation du système nerveux autonome qui joue très clairement.

On y parle aussi  d’une attention corporelle. Ce sont des questions qui se sont posées sur l'effet de certaines techniques méditatives et là encore, il y a un champ très vaste. De plus, l’une des questions, c'était de savoir dans quelle mesure la tension à ces perceptions corporelles et donc à la modification des perceptions corporelles qui peuvent survenir en prodromes de crise.

Le fait d'être attentif à ça permet de le ressentir plus précisément, permet aux patients d'être moins anxieux quand arrive une crise. C'est une des hypothèses sur eux, sur le fait d'utiliser de la méditation pour améliorer la qualité de vie chez ces patients. Le fait de développer des techniques qui permettent de développer progressivement cette attention au corps peut être utile.

Cela dit, un certain nombre de patients ont du mal à développer ces techniques et même ça peut les angoisser au départ. Ça peut être effectivement au départ très compliqué et donc finalement, il y a quand même un aspect un peu difficile au départ de partir vers des choses qui sont peu ancrées dans nous, dans nos habitudes aussi. Peut être effectivement qu'il y a cette habitude plus importante en Inde, et du coup, ça reste des techniques qui ne sont pas forcément simples d'accès et qui vont nécessiter aussi plusieurs mois d'apprentissage.

On voit bien, en effet, c'est quand même un apprentissage qui est assez long et ça, je pense que c'est très intéressant. C’était sept séances réparties sur trois mois, donc c'est quand même assez important. C'est assez rare effectivement d'avoir un apprentissage aussi long pour ce type de techniques, mais du coup je ne partage pas totalement le fait que tout le monde soit vraiment enthousiaste.

 Il y a des patients à qui on propose qui essayent et qui ne répondent pas forcément, ou d'autres qui vont s'investir dedans, mais sans forcément je pense, être totalement prosélyte.

Ce qu'on entend, c'est que ceux qui sont effectivement les plus enthousiastes probablement peut-être parce qu'ils ont expérimenté chez eux des choses partiellement intéressantes, ils veulent le partager.

Agnès Trébuchon

Après le fait d'avoir ce genre d'étude, ça le mérite pour nous qui développons l'éducation thérapeutique, de pouvoir essayer de monter peut-être des pratiques dans le cadre par exemple, de l'activité physique adaptée, des pratiques psycho corporelle, dans le cadre du soin, pour que un, il y ait un ajustement et une adaptation au patient et au niveau de ce qui peut faire et ce qu'il ne peut pas faire.

Et d’un autre côté aussi par rapport à tout ce qui est liées aux coûts que ça peut avoir. Donc, c'est vrai aujourd'hui, l'activité physique adaptée n'est pas encore remboursée, mais on peut espérer que grâce à ce genre d'études, des éléments progressent et pouvoir proposer ça, bien sûr, en plus des médicaments aux patients. On sait qu'au-delà de cette activité, on sait que toute activité physique va faire du bien et ça, je pense que c'est vraiment important. On voit dans les publications, on est trop sédentaire, donc on doit vraiment favoriser ça auprès de nos patients.

CONCLUSION

Cécile Sabourdy

En conclusion, une très belle étude qui nous incite à vouloir aller plus loin dans la réflexion autour de ces techniques pour peut-être sur un plan scientifique, savoir plus précisément ce qui est utile. Puis, pour rejoindre ce que disait Agnès, pour pouvoir le développer et proposer à nos patients que ce soient des techniques plus psychos corporelles ou des techniques plus de respiration.

Agnès Trébuchon

Je valide aussi et c'est une étude qui va nous permettre de confirmer ce qu'on ressentait, peut-être un peu plus sur le plan intuitif. Le fait de pouvoir proposer une prise en charge un peu plus globale au patient, de s'intéresser à la fois à toutes les comorbidités et donc aussi d'avoir des propositions sur cette prise en charge de comorbidités qui passent par le corps en association à tout ce que l'on peut faire sur le plan psychothérapeutique.

*Ce texte est une retranscription du podcast ci-dessus, il est possible que quelques erreurs de lexique, formulations, etc... se soient glissées dans le texte, référez-vous plutôt à la vidéo du podcast.

micarrow-down linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram